Le samedi 9 février,
François Quantin, l’un des maraîchers fournisseurs des paniers de Court-Circuit, reçoit sur sa ferme de Plougastel Daoulas un petit groupe d’une trentaine de membres de l’association, tous curieux de découvrir sa technique de traction animale qu’il pratique depuis 4 ans, en alternative au tracteur…
C’est avec son âne Rico que François nous accueille devant son grand hangar. Il nous parle de sa ferme, de ses terrains, de ses tunnels de culture, ainsi que des difficultés que les paysans rencontrent en termes d’accès au foncier agricole, les terres étant de plus en plus convoitées par des promoteurs immobiliers1. Il nous explique également les raisons qui l’ont poussé à adopter la traction animale : « après une journée de travail dans les tunnels avec mon tracteur, j’avais les yeux qui piquaient ! Et puis, je voulais voir vivre des animaux sur la ferme… et grâce à cette préparation du sol, je n’utilise plus de plastique » Il a fait connaissance avec cette technique plus douce par le biais d’une association, Prommata2, qui met au point des techniques pour améliorer la traction animale, à destination des paysans africains notamment. aide les paysans africains à adopter la traction animale. Séduit par le concept, il a acheté, au fur et à mesure, 3 ânes : Roméo, Rico et Sir travaillent à tour de rôle sous les tunnels de culture, guidés par François. Ses ânes sont certes moins puissants que des chevaux de traits, mais ils sont suffisants pour la petite surface que François travaille, et par ailleurs, ils lui coûtent moins cher ! Aujourd’hui, pour François, « c’est une passion ». Il est agrée par la Chambre d’Agriculture pour la technique qu’il pratique et accueille régulièrement des stagiaires. S’installer en traction animale est assez bon marché : « avec 2 ânes, 2 tunnels et un outil de travail, on peut s’en sortir pour 10 000€ ! » nous explique-t-il. Mais il précise qu’il faut avant tout bien maîtriser le maraîchage, car lorsque l’âne remplace le tracteur, c’est toute l’organisation du travail sur la ferme qui s’en trouve chamboulée. Le paysan doit d’une part respecter le rythme de l’animal : au bout de 45 minutes de travail, « on arrête, les ânes en ont marre, ils ne font plus du bon boulot ! » D’autre part, les phases de travail du sol sont plus espacées dans le temps de manière à gérer au mieux la destruction des mauvaises herbes, de manière uniquement mécanique.
François est également, avant tout, un paysan engagé dans une démarche d’agriculture biologique : il produit lui-même ses plants à partir de semences. Pour la première fois cette année, il n’utilise plus d’intrants pour amender ses cultures mais seulement des copeaux de bois pour amender le sol. Grâce à ses ânes, sa démarche est d’autant plus écologique : « depuis que j’ai vendu mon tracteur, il y a un an, j’utilise beaucoup plus mes ânes, pour transporter des bûches par exemple ! » De plus, elle est bien plus respectueuse du paysan, qui travaille debout, en marchant à côté de son âne, et non assis toute la journée sur un tracteur ! Par ailleurs, le travail avec les ânes permet de valoriser les petite parcelles : l’animal peut passer entre des rangs de 30 centimètres, ce qui n’est pas le cas d’une grosse machine agricole…
Les présentations faites, François nous emmène sur ses parcelles. Sur le chemin, Rico nous accompagne : il semble à son aise, caressé par les enfants, avançant d’un pas tranquille au milieu du groupe. Attention tout de même à ne pas recevoir un coup de patte, car « contrairement à un cheval, l’âne ne rate jamais son coup ! » nous prévient François en rigolant.
Il nous montre ses tunnels : sur des buttes – technique de culture adaptée à la traction animale -, nous observons des petits bouquets de mâche qui percent la terre ainsi que des salades qui seront prêtes à être cueillies dans un mois et demi. D’autres surfaces sont encore vierges : François y pratique les buttes de compostage – il griffe la terre pour déraciner les « mauvaises herbes », les laisse sécher un temps avant de les ensevelir de terre pour qu’elles s’y compostent – avant de cultiver.
C’est bientôt l’heure pour Rico de rentrer en piste : François atèle le « croche axe » (porte-outil) à l’animal, sur lequel il fixe l’un de ses outils. Postés entre les deux rangées de côtes de blettes qui poussent sous ce tunnel, nous observons l’âne, guidé par les rennes et la parole de François, avançant d’un pas précis sur la terre épaisse, tirant derrière lui la petite griffe qui vient balafrer le sol pour le déraciner les quelques mauvaises herbes. Il effectue ainsi quelques allers-retours sous nos regards captivés par le mouvement paisible de ce couple insolite, avant de nous proposer de prendre les rennes : quelques-uns d’entre nous s’initient avec plaisir à la traction animale et marchent derrière Rico entre les buttes qui commencent à se former.
La démonstration de Rico se termine bientôt. Nous terminons cette escapade paysanne par un petit goûter dans le hangar de François et nous remercions le paysan avant de rejoindre Brest : l’Assemblée Générale de Court-Circuit nous attend !